
TPE
Expérience: Malentendantes et
muettes



Nous avons décidé de devenir Malentendantes et muettes pendant une journée. Notre but ? Ressentir ce qu’un jeune Sourd ou Malentendant éprouve au quotidien. Dés 8 heures, nous avons empilé les boules quies dans notre tympan afin de bien boucher les cavités susceptibles de nous permettre d’entendre/l’audition. Nous nous sommes faites la promesse de ne pas les retirer et de ne pas parler avant 17 heures. De nombreux éléments ont pu être analyser durant cette journée : la réaction des professeurs, des camarades, les seuls bruits que nous pouvions entendre, la communication que nous entretenions entre nous et avec les autres…
Quelques réactions...
« Que faites-vous avec cette feuille les filles ? » Madame Goudard, professeur de Physique. Nous écrivions sur une feuille de papier pour pouvoir échanger.
« Non ! On ne vous croit pas. Ah mais si, regarde Agathe, elles ont des boules quies dans les oreilles ! EST - CE QUE VOUS NOUS
ENTENDEZ ? C’est trop drôle ! » Marin et Agathe
« Mais tu m’entends là ? Est-ce que tu m’entends ? Hola, me llamo Jéromine ! Mais pourquoi tu fais ça ? Pour ton TPE ? DU COUP IL FAUT PARLER FORT POUR QUE TU PUISSES M’ENTENDRE ? » Jéromine (essayant de signer et de crier)
« Emma ! Ah mais non c’est vrai tu peux pas m’entendre… » Jeanne
« Ah mais vous entendez rien ? Bon bah salut… » Lucas
« Il manquerait plus que vous soyez aveugles ! (…) Vous arrivez même à bavarder en signant ! » Mme Cros Jouan, professeur de Français.
Mathilde : « Bonjour Madame, Elise, Marjolaine et Emma ne peuvent pas entendre car elles font leur expérience pour leur TPE. » Madame Jacquet : « Ah oui c’est vrai, (chuchotant) (?) » Madame Jacquet, professeur d'Histoire-Géographie
« Mais comment je vais faire pour communiquer avec des Sourdes ? » Mathilde
Nous étions dans une bulle, coupées du monde des entendants. Ce fut difficile de s’intégrer car pendant une journée nous faisions partie d’un autre monde, celui des Sourds. Les seules choses que nous pouvions entendre étaient notre respiration, un bruit aigu au fond de notre oreille, nos pas, l’articulation de notre bouche et quelques bruits de fond.
En cours de Physique, Madame Goudard avait d’abord oublié que nous étions Malentendantes ce jour-là. Elle s’est donc demandée pourquoi nous étions entrain d’écrire à trois sur une feuille et pourquoi nous n’écoutions pas le cours. Puis elle a réalisé que nous faisions notre expérience. Nous avons établi des noms-signes pour chacune de nous. Tout au long du cours, nous ne pouvions percevoir que 2 mots par phrase ou moins. La seule chose que nous avons pu comprendre fut les devoirs qu’elle avait écrit sur feuille.
En Anglais, Madame Khoury ne nous a pas porté beaucoup d’attention. C’est à ce moment que nous avons commencé à lire sur lèvres. La lecture labiale constitua un exercice particulièrement difficile et fatiguant. Nous pouvions voir les gens qui se retournaient pour nous observer, comme si nous étions des personnes inconnues venant d’arriver au lycée, voire des extraterrestres.
Nous avons déjeuné toutes les trois et avons eu le regret de parler pour pouvoir acheter notre déjeuné. Seule une de nous s’est fait passer pour Sourde au moment du paiement. La caissière, une fois avoir réalisé qu’une de ses clientes était Sourde, a perdu ses moyens et ne savait pas quoi dire. Elle fit ainsi des gestes pour pouvoir se faire comprendre. Puis nous avons déjeuné toutes les trois et la communication s’est entretenue du début à la fin. Nous signons, faisions de la lecture labiale et écrivions en cas de réelle difficulté. La sensation de manger était plutôt particulière : nous sentions et entendions les mouvements de notre mâchoire lorsque nous croquions et mâchions.
Durant les deux heures de Français, la concentration fut difficile. La fatigue dû/due à la lecture labiale commençait à se ressentir. Madame Cros Jouan s’amusait beaucoup à l’idée de faire un cours avec trois élèves ne pouvant ni parler ni entendre. Les élèves se retournait et gloussaient/s’esclaffaient à chaque phrase de la professeur faisant allusion à notre surdité. Nous ne comprenions pas, nous étions perdues. Pendant les deux heures, nous n’avons pu percevoir un seul mot, à part ceux qui nous étaient familier. Mais il était impossible de constituer une phrase ayant du sens avec uniquement la lecture labiale et le peu d’audition que l’on pouvait avoir. Ces deux heures nous ont paru très longue : nous ne pouvions pas suivre le cours qui se faisait tout à l’oral avec la prise de notes.
En Histoire-Géographie, nous n’avons perçu pas un seul bruit. Nous étions dans une bulle où seule Mathilde, élève de la classe, tentait de traduire ce que Madame Jacquet disait. Lorsqu’elle est venue nous parler, nous étions incapable de percevoir le moindre son de sa part. Cette difficulté était soulignée au moment où elle commença à chuchoter, pensant que cela allait nous aider. Ce cours était impressionnant : nous vivions dans un silence et dans un vide total. Nous avions toujours eu l’habilité depuis le début de la journée de percevoir des bruits de fond, des marmonnements. Il nous était impossible d’entendre quoi que se soit.
A la fin de la journée, nous n'attendions plus qu’une chose : enlever la cire de nos oreilles, qui nous faisait mal et qui nous empêchait d’entendre et de parler. Le fait d’être entendant et savoir que nous avions la possibilité de parler étaient éprouvants. Nous étions épuisée de notre journée.
NOS NOMS-SIGNES:
Cette journée nous a apporté beaucoup. Nous avons pu analyser le comportement de chacun ainsi que le nôtre. Nous étions vu comme des personnes hors-normes mais personne ne nous a accompagné (certaines personnes n’osaient pas nous parler, les professeurs ne nous aidaient pas à suivre). Nous avons eu d’ailleurs la remarque de Madame Cros Jouan qui se demandait si elle n’aurait pas dû nous aider pour que l’on puisse suivre le cours.
La différence peut entraîner une difficulté d’intégration. En effet, nous étions trois à se comprendre car nous avions le même mode communication et nous savions ce que chacune vivait. Les entendants ne pouvaient savoir ce que nous ressentions et se sentaient incapables de communiquer autrement qu’avec la voix.